Et si l’on arrêtait de penser que le commerce est le principal vecteur d’animation et une source d’activité contribuant à la dynamique du centre-ville ?
Et si l’on arrêtait de vouloir faire renaître des rues entières de vitrines dans des villes qui proposent, en périphérie, des milliers de m² de grandes surfaces et de centres commerciaux ?
Pourquoi ? Parce que le gâteau n’est pas extensible. Et même s’il est difficile de l’admettre, le commerce continue d’aller mal. Plus il souffre, plus la grande distribution brandit son costume de héros en proposant la solution miracle en faveur de l’emploi : développer ses mètres carré commerciaux pour éviter l’évasion de la clientèle vers d’autres villes.
On ne peut raisonnablement pas demander de revitaliser un centre-ville ou centre bourg tout en continuant à donner l’autorisation à des grandes surfaces de s’agrandir en périphérie. C’est pourtant précisément ce qui se passe dans certaines communes. Des petites et moyennes villes subissent la désertification commerciale et pensent sincèrement que les emplois créés par l’agrandissement de la grande surface sont une aubaine et ne peuvent être refusés.
Nous sommes entrés dans un schéma de consommation très différent de celui que nous avons connu. Tous les professionnels et spécialistes du secteur le savent, tous les médias le répètent, mais il semblerait que les attaches au passé soient tenaces. Pour mieux reconstruire le commerce de demain, il nous faut déconstruire celui d’hier. Il faut faire le deuil de notre rue commerçante traditionnelle d’antan.
Nos réflexes du passé consistaient à se dire qu’il suffisait de créer l’offre pour susciter et attirer la demande : posons-nous la question aujourd’hui : l’offre crée-t-elle toujours la demande ? Evidemment Non. Il faut bien savoir de quelle consommation nous parlons. Une consommation souhaitée ou une consommation subie ? Les motifs d’achat ne sont pas seulement impulsés par une vitrine attrayante, mais plutôt par qu’est-ce qui peut faire que je vais me retrouver devant cette vitrine attrayante ? Qu’est-ce qui peut m’inciter à sortir de mon canapé si confortable sur lequel je consulte des sites marchands sur internet ? Qu’est-ce qui peut m’attirer dans un centre-ville plutôt que dans un centre commercial ?
Parce que l’offre est devenue multicanale, la réflexion ne doit pas porter sur la seule composante « commerce » pour animer une rue ou une ville, mais bien sur ce qui est à l’origine de l’animation, à savoir l’humain. Il ne s’agit plus de construire une cellule commerciale mais de savoir si celle-ci est légitime et, surtout, si elle peut s’épanouir dans un contexte qui lui est favorable, à savoir, un espace public adapté, fréquenté et accessible.
Le commerce ne peut être vecteur d’animation que s’il est ouvert. Il n’est ouvert que s’il est fréquenté. Il n’est fréquenté que s’il trouve sa clientèle. Il ne trouve sa clientèle que s’il est bien positionné. Il est bien positionné lorsque l’environnement qui l’accueille s’y prête, etc.
Arrêtons de lui donner le pouvoir absolu et tournons-nous également vers d’autres ingrédients d’urbanité : la rue, la place, l’espace public qui ont un rôle tout aussi important dans la revitalisation non plus commerciale mais bien « sociale » de la ville. Ecoutons de nouveau les besoins des habitants et usagers, analysons les comportements et les attentes, sachons nous remettre en cause et nous tourner vers l’humain.
Christine ALBA
Commerces et Marchés de France
Décembre 2017